lundi 15 juillet 2013

DATES

Demain, premier entretien d'embauche depuis des mois. Mon oncle Bill disait toujours qu'une entrevue professionnelle est comme un rancard, un jeu de séduction dans lequel l'employeur doit se sentir comme une princesse courtisée. Oncle Bill n'a jamais réellement trouvé de travail, mais j'ai toujours trouvé cette métaphore pleine de poésie. Du coup, un peu rouillé dans l'art de la séduction, j'ai décidé de regarder Dates.

Dates est la dernière série de Bryan Elsley (créateur de Skins) diffusée sur Channel 4. Sa première saison s'est achevée le 3 juillet dernier. Succès critique, la série se veut un point de vue contemporain sur les relations amoureuses, à travers le rendez-vous de deux personnages rencontrés sur un site internet. Chaque épisode nous fait découvrir une nouvelle rencontre.

La série revisite le principe du Boy meets girl. Tout commence par une supercherie inhérente au monde virtuel : la fausse identité. David a menti sur sa profession, Mia sur son nom. Ce qui saute aux yeux dans le premier épisode est cette gestion des rapports de force dans l'entreprise de séduction. Car ce qui aurait pu tourner à une classique prise de pouvoir de la femme fatale sur le plouc du coin, vire au pugilat psychologique. David, loin d'être le petit chien de service, renvoie fermement Mia à ses chères études. Bien sûr, la demoiselle a de l'orgueil et revient à la charge quelques minutes plus tard, sans pour autant en dire plus sur ses intentions. Paradoxalement, David va alors se livrer avec honnêteté. Tout l'intérêt réside dans l'improbabilité de cette rencontre autorisée par la médiation d'internet : Mia, superficielle jusque dans la cigarette électronique qu'elle crapote sensuellement ; et David, en apparence le provincial honnête, étouffé par la jungle londonienne et une cravate qu'il n'a pas l'habitude de porter. Deux mondes, deux personnalités, deux moyens de défense. Entre les deux, un jeu de stratèges pour briser la carapace de l'autre. Une opposition de style sur le ring de la séduction. Mia, et son profil de défenseur, a l'air tout droit sortie d'un reality-show. Elle détourne les conversations à l'aide d'atouts physiques indéniables, qui dissimulent une vulnérabilité et un passé étouffant. David, le puncheur, met chaos son adversaire à l'aide d'une franchise étonnante.

Le principe va plus loin qu'un simple jeu de séduction. Il est emblématique de générations devenues hostiles, désabusées et sur leurs gardes quant à la simple idée de l'Autre. Pourtant, chacun s'évertue à débusquer l'oiseau rare et ce désir justifie cette partie d'échec sentimentale. On comprend alors mieux le choix de ce (presque) huis clos pour le pilote, qui crée un hors-champ puissant au background de personnages luttant pour dissimuler ou assumer au mieux leurs fêlures.

Dates est définitivement la bonne pioche côté outre-manche. Elsley offre une réalisation soignée et les acteurs s'accordent magnifiquement dans la conduite d'un combat psychologique et sentimental harmonieux.

Pour ma part, j'espère que les volontés du DRH ne seront pas aussi compliquées à interpréter que les désirs refoulés de Mia. Si c'est le cas, les conseils glamours d'oncle Bill ne me seront d'aucun secours.

Transatomètre : niveau 4




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